Les enjeux du Brexit pour le Barreau français
PROFESSION 29 janv. 2018

Les enjeux du Brexit pour le Barreau français

S'il est désormais clair que les solicitors inscrits au barreau de Paris sous leur titre d'origine ne pourront plus bénéficier des conditions d'accueil qui leur étaient réservées par les dispositions européennes, de nombreuses questions se posent concernant les structures d'exercice et particulièrement les établissements français des grands cabinets anglais. Coup de projecteur sur les enjeux considérables du Brexit pour le Barreau français et pour celui de Paris en particulier.

Par Chirstophe THÉVENET, Avocat au Barreau de Paris, Membre du Conseil National des Barreaux,
Président d’Honneur de l’ANAFAGC, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
& Dominic JENSEN, Avocat au Barreau de Paris, Auteur de « Gestion du cabinet d’avocat », collection Dalloz
| Maître n°243, 1er trimestre 2018

PLUS DE 1 600 AVOCATS CONCERNÉS

181 ressortissants britanniques sont actuellement inscrits au barreau de Paris. Parmi ceux-ci 108 sont inscrits au barreau de Paris sous le titre « avocat à la Cour » et 72, de nationalité britannique, sont toujours inscrits sous leur titre d’origine au barreau de Paris (70 en tant que solicitors et 2 barristers) en application de la directive 98/5/CE . Pour ces solicitors et barristers, les conséquences du Brexit se dessinent d’ores et déjà. Si elles souhaitent exercer en France, les personnes concernées devront obligatoirement passer l’examen de contrôle des connaissances prévu par l’article 99 du décret du 27 novembre 1991 leur permettant d’obtenir ainsi le titre d’avocat français. Elles ne pourront pas continuer d’exercer sur le territoire français sans s’exposer aux dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée relative à la règlementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d’actes sous seing privé. Elles ne pourront pas non plus bénéficier de la procédure dite d’assimilation prévue à l’article 10 de la directive 98/5/CE.

LES ENJEUX FINANCIERS

Mais est-ce là que se situent les plus grands enjeux du Brexit pour la communauté des avocats ? Sur les 50 premiers cabinets  d’avocats en France (par la taille), 11 sont des cabinets anglais . Ces seuls cabinets représentent près de 700 millions d’euros de
chiffre d’affaires et mobilisent environ 1 600 avocats. À ces cabinets s’ajoutent les cabinets américains dont les bureaux français sont des établissements qui dépendent des structures établies en Angleterre.

Au total, ce sont 33 cabinets britanniques qui sont présents en France, dont 23 LLP sur la liste des succursales communautaires
ayant été inscrites au barreau de Paris conformément aux dispositions de l’article 11 de la directive 98/5/CE du 16 février 1998 (tableau 3).

Les 10 autres sont présentes au tableau ayant été inscrites au barreau de Paris lors de la fusion des professions d’avocats et de er conseils juridiques le 1 janvier 1992 ou en application de l’article 50 XIII de la loi du 31 décembre 1971 qui permettait aux cabinets
étrangers présents sur le sol français sans être inscrits sur la liste des conseils juridiques tenue par le Procureur de la République de
régulariser leur situation au plus tard le 31 décembre 1993 (tableau 4).

LE SORT DES AVOCATS FRANÇAIS DANS LES LLP

C’est donc bien au niveau des personnes morales exerçant la profession d’avocat que se situent les grands enjeux du Brexit. Dans ces cabinets anglais dont les chiffres sont cités plus haut, la vaste majorité des professionnels sont des citoyens français qui exercent leur métier d’avocat. Certes, le Brexit, aussi dur soit-il, ne viendra pas leur retirer leur qualité d’avocat. En revanche, que vont décider ces géants mondiaux du droit quant à la poursuite de leur activité en France si celle-ci vient désorganiser un partnership mondial dont la France ne représente parfois qu’une part très minoritaire ?

C’est une partie du poids économique de la profession d’avocat en France qui se joue avec le Brexit. En effet, nous pouvons considérer que les LLP inscrites au barreau de Paris sur le fondement de la directive 98/5/CE seront logiquement contraintes de se transformer en structures d’exercice de droit français, voire de procéder de manière plus radicale, en fermant leurs bureaux parisiens.

DE TRÈS NOMBREUSES QUESTIONS

Le Brexit implique d’abord une réflexion en trois temps. Le premier concerne toutes les personnes physiques ou morales qui ont bénéficié des dispositions européennes avant le déclenchement de l’article 50 par les Britanniques. Ce sont ces derniers qui sont au coeur des préoccupations les plus urgentes. Le second temps concerne les personnes qui souhaiteraient bénéficier de tel ou tel mécanisme entre la date du 29 mars 2017 et le 29 mars 2019.

Enfin, le troisième temps concerne les dispositions qui seront en place à partir du 29 mars 2019 et le sort des personnes qui souhaiteront en bénéficier. En ce qui concerne les personnes physiques, sont concernés les solicitors et les barristers exerçant en Europe sous leur titre d’origine ainsi que les avocats européens exerçant au Royaume-Uni. Les questions concernent à la fois le statut professionnel, l’immigration personnelle, familiale ou encore les droits sociaux.

MODIFICATION DE L’EXAMEN D’ENTRÉE AU BARREAU DE LONDRES

S’ajoute aux incidences du Brexit, le fait que la SRA (Solicitors Regulation Authority) travaille actuellement sur l’élaboration d’un nouvel examen de qualification des solicitors (Solicitors Qualifying Examination) destiné à adapter la profession à une nouvelle concurrence, aux nouveaux business models et à la 6 technologie . L’objectif de ce nouvel examen est à la fois de relever et d’uniformiser le niveau par rapport au système actuel. Dans le texte de présentation du projet, une comparaison est faite avec l’examen du barreau de New York qui couvre à la fois des questions de droit, de procédure, de raisonnement juridique ou encore de qualité de l’écrit. Il est encore trop tôt pour savoir si ce nouvel examen constituera une barrière supplémentaire à l’entrée du marché pour les avocats européens souhaitant s’établir au Royaume-Uni.
Mais on sait l’hostilité marquée par les britanniques...

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