Déduction des pénalités et sanctions : françaises ou étrangères, même traitement !
FISCAL 22 déc. 2023

Déduction des pénalités et sanctions : françaises ou étrangères, même traitement !


Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision alignant le traitement fiscal des sanctions et pénalités prononcées par des autorités étrangères sur celui des mêmes charges provenant de décisions d’autorités françaises, tant que ces sanctions ne sont pas prononcées en contrariété avec la conception française de l’ordre public international.

Rappel

L’article 39, 2 du Code Général des impôts (CGI), indique, en matière de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), que « les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt ». Ce principe pose peu de problèmes d’interprétation dans le cas de sanctions prononcées par des autorités françaises. En revanche, le cas des sanctions prononcées par des autorités étrangères pourrait paraitre plus délicat. Ce deuxième point est l’objet de l’affaire jugée par le Conseil d’Etat le 8 décembre 2023 (CE plén. 8-12-2023 n°458968).

les Faits et la procédure

Une société française, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle l’administration fiscale a remis en cause, entre autres, la déduction de sommes correspondantes d’une part à une charge et d’autre part à une provision, toutes deux relatives à des dommages-intérêts punitifs (« punitive damages ») que la société avait été condamnée à verser à une société américaine par le tribunal fédéral du district du Kansas (Etats-Unis).

La société a contesté ce redressement auprès du tribunal administratif de Montreuil, lequel a qualifié ces dommages-intérêts punitifs de « complément d'indemnité accordé à la victime » et non de sanctions pécuniaires au sens des dispositions du 2 de l’article 39 du CGI, et en a de ce fait admis la déduction fiscale.

Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Versailles a indiqué qu’il « ne résulte pas de [l’article 39, 2 du CGI] que le législateur ait entendu interdire la déduction du bénéfice imposable des indemnités mises à la charge des entreprises, dans l'exercice de leur activité commerciale normale, à la suite de litiges commerciaux les opposant à leurs cocontractants agissant pour la satisfaction de leurs intérêts privés », avant de qualifier ces « punitive damages », qui n’ont pas d’équivalent en droit français, de « complément d'indemnité accordé à la victime au regard des circonstances particulières dans lesquelles le dommage a été commis » et de retenir que « la réparation de ce préjudice particulier ne peut dès lors être assimilée à une sanction pécuniaire ou une pénalité au sens du 2 de l'article 39 du code général des impôts », puisque non perçus au profit d'une autorité publique. La cour a tout de même admis de ces indemnités « qu’elles résultent de la méconnaissance d'une obligation légale, qu'elles visent pour partie à dissuader la réitération des faits dommageables, qu'elles présentent pour partie un caractère forfaitaire et qu'elles s'ajoutent à des dommages-intérêts compensatoires ».

Ainsi, ces sommes ont été jugées déductibles fiscalement par la juridiction d’appel. Le Conseil d’Etat est alors saisi en cassation.

la Solution

Le Conseil d’Etat, par cette décision du 8 décembre 2023, annule les articles du jugement de la cour administrative d’appel de Versailles relatifs à la déduction fiscale des « punitive damage » en retenant que « ces […] dispositions [de l’article 39, 2 du CGI] font obstacle à la déduction de toute somme d'argent mise, aux fins de prévention et de répression, à la charge d'un contribuable qui a méconnu une obligation légale. N'est ainsi pas déductible […] la sanction pécuniaire prononcée par une autorité étrangère à raison de la méconnaissance d'une obligation légale étrangère ».

Ainsi, le juge du droit indique qu’il ressortait de l’arrêt de la juridiction d’appel que les sommes en cause « visaient à dissuader la réitération de faits similaires à celui à l'origine du dommage et s'ajoutaient aux dommages-intérêts compensatoires versés par ailleurs pour réparer le préjudice subi » et qu’ainsi ces sommes présentent « le caractère d'une sanction pécuniaire au sens des dispositions [de l’article 39, 2 du CGI] », sans que la circonstance qu'elles aient été prononcées dans le cadre d'un litige commercial pour la satisfaction d'intérêts privés et versés à la victime n’ait d’incidence.

Il est à noter qu’une exception est tout de même aménagée par le Conseil d’Etat, lequel retient qu’est déductibles une sanction prononcée par une autorité étrangère lorsqu’elle « a été prononcée en contrariété avec la conception française de l’ordre public international ».

 

Quid des BNC
Le principe selon lequel les pénalités et sanctions ne sont pas déductibles dans le cadre des revenus BIC n’est pas repris par la rédaction de l’article 93 du CGI relatif aux charges pouvant impacter le résultat fiscal en matière de bénéfices non commerciaux (BNC). Cependant, la rédaction de cet article indiquant que les dépenses déductibles sont celles « nécessitées par l'exercice de la profession », emporte l’impossible déduction du résultat imposable au titre des BNC des pénalités et sanctions. Ainsi, confronté à une interrogation similaire à celle de l’affaire, les juridictions retiendraient, à n’en pas douter, une interprétation similaire dans le cas des revenus et charges BNC.

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