L’abattement « retraite » des dirigeants de PME à l’IS remis au goût du jour
FISCAL 01 déc. 2021

L’abattement « retraite » des dirigeants de PME à l’IS remis au goût du jour


Le dispositif d’abattement en faveur des dirigeants de PME à l’IS qui cèdent leurs titres dans le cadre de leur départ à la retraite devait expirer le 31 décembre 2022. C’est sans compter le projet de la loi de finances pour 2022, qui prévoit notamment de le proroger de 2 ans supplémentaires. Une bonne raison pour s’intéresser à deux arrêts rendus cette année par les juges d’appel, qui se sont prononcés sur certaines conditions d’application de cet abattement.

 

quelques rappels sur l’abattement « retraite »

Les titres détenus par les associés de sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés (IS) sont réputés faire partie de leur patrimoine privé. Aussi, lorsqu’ils cèdent ces titres, les associés réalisent une plus ou moins-value qui relève fiscalement du régime des plus ou moins-values privées sur valeurs mobilières prévu par les articles 150-0 et suivants du Code général des impôts (CGI).

Conformément à l’article 150-0 D ter du CGI, cette plus-value peut être diminuée d’un abattement fixe de 500 000 € lorsque la cession est réalisée par le dirigeant d’une PME dans le cadre de son départ à la retraite. Il faut pour cela que toutes les conditions suivantes soient réunies :

  • le cédant doit :
    • avoir exercé au sein de la société, de manière continue pendant les 5 années précédant la cession, une fonction de direction ;
    • cesser toute fonction dans la société, et faire valoir ses droits à la retraite, dans les 2 années précédant ou suivant la cession (à noter : le projet de loi de finances pour 2022 prévoit d’allonger ce délai à 3 ans pour les dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, lorsque cet évènement précède la cession) ;
    • détenir les titres cédés depuis au moins un an à la date de la cession ;
    • et, en cas de cession à une entreprise, ne pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire ;
  • la société dont les droits sont cédés doit être une PME au sens du droit de l’Union européenne et relever de l’IS ;
  • la cession doit porter sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés, ou sur plus de 50 % des droits de vote.

Deux arrêts rendus en 2021 par des cours administratives d’appel (CAA) ont apporté des précisions intéressantes sur les conditions tenant au cédant, et plus particulièrement sur la condition de cessation effective de toute fonction dans l’entreprise cédée et sur celle de départ à la retraite.

À NOTER

Les arrêts commentés ci-dessous ont été rendus en application de l’article 150-0 D ter du CGI dans une rédaction antérieure à celle actuellement en vigueur. Toutefois, leurs solutions conservent toute leur portée actuellement.

 

1Ère affaire : la cessation effective de toute fonction

Les faits et la procédure

Le président d’une PME à l’IS avait cédé l’intégralité de ses parts et, à peine plus d’un mois plus tard, conclu un contrat à durée indéterminée (CDI) avec le cessionnaire en qualité de « conseiller du président ».

L’administration fiscale avait considéré que ce contribuable ne satisfaisait pas à la condition de cessation de toute fonction au sein de la société dont les titres sont cédés et, par suite, remis en cause le bénéfice de l’abattement « retraite ».

Afin de contester les rehaussements notifiés, le cédant avait opposé à l’administration fiscale sa propre doctrine, exprimée dans le BOFiP-Impôts qui autorise le cédant à recourir au cumul emploi-retraite, y compris au sein de la société cessionnaire (BOI-RPPM-PVBMI-20-40-10-40, § 350).

La solution rendue

Dans un arrêt du 14 janvier 2021 (n° 19NT00974), la CAA de Nantes considère que le cédant n’avait pas effectivement et définitivement cessé toute fonction au sein de la société dans le délai de deux ans, dès lors qu’il avait signé, un mois après la cession, un CDI avec la société cessionnaire en qualité de « conseiller du président » pour y exercer des fonctions relatives à la gestion et au développement commercial, à la vie individuelle et aux relations de clientèle. La cour relève en particulier que :  

  • le faible montant de la rémunération au titre de ces fonctions était fixée forfaitairement, indépendamment du nombre d'heures de travail réellement effectuées ;
  • à la date de la cession, deux clients représentaient à eux seuls 92 % du chiffre d'affaires de la société et que le cédant avait développé avec eux une relation commerciale privilégiée, facilitant ainsi la transmission de la société ;

Par ailleurs, les juges constatent que la doctrine invoquée par le cédant ayant été publiée postérieurement à l’expiration du délai de déclaration des revenus soumis à l’impôt sur le revenu, il ne pouvait utilement s’en prévaloir.

Dans ces conditions, l’administration fiscale avait à juste titre remis en cause le bénéfice de l’abattement « retraite ».

 

2de affaire : le départ à la retraite

Les faits et la procédure

À l’occasion de la cession de la totalité des titres qu’il détenait dans une PME à l’IS dont il était associé et directeur général, un contribuable avait, en imputant l’abattement « retraite », bénéficié d’une exonération totale d’impôt sur le revenu sur la plus-value ainsi réalisée.

L’administration fiscale avait refusé d’accorder le bénéfice de l’abattement « retraite » à ce contribuable, au motif qu’il n’avait pas atteint l’âge légal de départ à la retraite lors de la cession et ne pouvait donc faire valoir ses droits à la retraite.

La solution rendue

Dans un arrêt du 31 décembre 2020 (n° 18BX01374), la CAA de Bordeaux rappelle que les conditions pour bénéficier du régime d’exonération doivent être appréciées strictement.

Ainsi, pour que la condition selon laquelle le cédant doit avoir fait valoir ses droits à la retraite soit remplie, ce dernier doit avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite au cours d’une période de 4 années courant de 2 ans avant à 2 ans après la cession pour faire sa demande.

Or, la date à laquelle l'intéressé est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié pour la dernière fois. Dès lors, le cédant n’ayant pas atteint l’âge légal de départ à la retraite dans le délai de 2 ans entre la cession et l’entrée en jouissance des droits à la retraite ne peut pas bénéficier de l’abattement « retraite ».

À NOTER

La cour relève au surplus que le cédant ne satisfaisait pas non plus à la condition relative à la durée d’exercice des fonctions de direction. Il ne pouvait en effet avoir exercé ses fonctions de directeur général de la société depuis au moins 5 ans à la date de la cession, dès lors que la société avait été créée depuis moins de 5 ans à cette date, quand bien même cette création était le résultat de la scission d'une société préexistante au sein laquelle le cédant avait exercé des fonctions de directeur général pendant plus de 5 ans.

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