Troquer ses parts de capital contre des parts en industrie : un pari fiscalement risqué ?
FISCAL 07 nov. 2022

Troquer ses parts de capital contre des parts en industrie : un pari fiscalement risqué ?


L'attribution par une SCP de parts en industrie à un ancien associé, moins de 3 ans après la cession par ce dernier de l'intégralité des parts de capital qu'il détenait dans cette même SCP, peut-elle remettre en cause l'exonération dont sa plus-value professionnelle a bénéficié sur le fondement de l'article 238 quindecies du CGI lors de la cession ? Non, a récemment tranché le Conseil d'État. Mais il n' en a pas toujours été ainsi.

ENTREPRISE INDIVIDUELLE : EXONÉRATION DES PLUS-VALUEs PROFESSIONNELLEs

Rappelons d'abord que le dispositif optionnel de l'article 238 quindecies du CGI exonère tout ou partie des plus-values professionnelles résultant de la transmission, à titre onéreux ou gratuit, d'une entreprise individuelle, d'une branche complète d'activité ou, par assimilation, de l'intégralité des parts d'une société de personnes au sein de laquelle le cédant exerce son activité professionnelle. Un exemple typique de ce dernier cas de figure est celui de l'avocat associé d'une SCP à l'IR cédant ses parts à un tiers afin de se retirer de la société. L'exonération est totale lorsque la valeur de l'entreprise, de la branche complète d'activité ou des parts transmises est inférieure à 300 000 €, partielle si elle est comprise entre 300 000 et 500 000 €. Un dispositif anti-abus prévoit la remise en cause de cette exonération si le cédant détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits aux bénéfices sociaux du cessionnaire à un moment quelconque au cours des 3 années suivant la cession.

Encore récemment, certains juges du fond considéraient qu'en acceptant de recevoir des parts en industrie au sein de la société dont il avait cédé les parts de capital depuis moins de 3 ans, le cédant contrevenait à la condition d'absence de contrôle du cessionnaire à laquelle le dispositif soumet le bénéfice de l'exonération. Cette solution autorisait l'administration à remettre en cause rétroactivement le bénéfice de l'exonération sur le fondement du non- respect de la clause anti-abus.

ATTRIBUTION DES PARTS ET CLAUSE ANTI-ABUS 

Par un arrêt du 19 mai 2021 (n° 430265), le Conseil d'État a clairement condamné cette jurisprudence en admettant qu'un contribuable, devenu associé en industrie d'une SCP dans les 3 ans de la cession des parts de capital qu'il détenait dans cette même SCP, puisse conserver le bénéfice de l'exonération obtenue sur le fondement de l'article 238 quindecies du CGI. Le Conseil d'État considère en effet que la SCP ayant une personnalité juridique distincte de celle de ses associés, elle peut attribuer des parts en industrie à l'associé ayant cédé ses parts de capital à un tiers sans violer la clause anti- abus, puisqu'elle n'était pas la personne cessionnaire des parts de capital (seul le tiers acquéreur des parts de capital a cette qualité).

En faisant une stricte application du droit des sociétés, le Conseil d'État met un coup d'arrêt à une interprétation extensive, par l'administration fiscale et les juges du fond, de la clause anti-abus de l'article 238 quindecies du CGI. Cette solution, ainsi que les aménagements que le projet de loi de finances pour 2022 prévoit d'apporter au dispositif de l'article 238 quindecies du CGI afin d'en assouplir les conditions d'application. Faut-il craindre que l'administration fiscale ne contourne cette solution en remettant en cause l'exonération de la plus- value au titre de l'article 238 quindecies, non plus sur le fondement de la clause anti-abus, mais sur celui de l'abus de droit fiscal ?

Dans ses conclusions, le rapporteur public écarte cette éventualité, car l'attribution de parts en industrie aux anciens associés en capitaux permet à ces derniers d'accompagner la transmission afin de pérenniser l'activité de la société, ce qui correspond à l'objectif poursuivi par le législateur à travers l'article 238 quindecies du CGI.

 

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