AARPI : gare aux troubles de la personnalité…
FISCAL 23 juin 2020

AARPI : gare aux troubles de la personnalité…


Une cour d’appel a récemment jugé1 que les AARPI, bien que dépourvues de la personnalité morale, seraient dotées, outre d’une personnalité fiscale, d’une personnalité « civile » leur permettant d’agir en justice.

 

 Les associations d’avocats régies par la loi de 19712 et, parmi celles-ci, les AARPI (« association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle »), sont des structures d’exercice qui présentent toutes les caractéristiques d’une société créée de fait au sens de l’article 1832 du Code civil : leurs associés sont unis par une volonté de s’associer révélant une « affectio societatis » et participent aux gains et aux pertes réalisés.

En outre, dans la mesure où elles ne sont pas immatriculées au Registre du commerce et des sociétés (RCS), elles répondent également à la définition des sociétés en participation en ce qu’elles sont dépourvues de la personnalité morale.

L’absence de personnalité morale des AARPI emporte essentiellement trois conséquences :

> l’AARPI n’a pas de patrimoine social ;

> elle ne peut pas faire l’objet d’une procédure collective ;

> elle ne peut ni contracter, ni agir en justice.

Toutefois, ce principe semble de plus en plus battu en brèche, à l’aune de la doctrine administrative et d’un arrêt novateur de la cour d’appel de Poitiers.

 

PREMIÈRE BRÊCHE : LA RECONNAISSANCE D’UNE PÊRSONNALITÉ FISCALE

L’administration considère que l’AARPI dispose d’une personnalité fiscale et qu’elle est assimilable, au plan fiscal, à une société de personnes.

À ce titre, l’AARPI détermine son propre résultat imposable, peut opter pour l’impôt sur les sociétés, est redevable de la TVA en lieu et place de ses membres et suit « personnellement » les procédures fiscales avec l’administration.

Son régime fiscal étant, en l’absence d’option pour l’IS, celui des sociétés de personnes, les associés sont, en ce qui les concerne, personnellement imposables sur une quote-part de résultat de l’AARPI correspondant à leurs droits dans la structure.

 

VERS LA RECONNAISSANCE D’UNE PERSONNALITÉ « CIVILE » ?

La reconnaissance de la personnalité fiscale de l’AARPI n’entre pas directement en contradiction avec son absence de personnalité morale, dans la mesure où l’on accepte une dualité juridique et fiscale. De ce point de vue, un nouveau pas a été franchi par la cour d’appel de Poitiers qui, dans un arrêt du 28 janvier 2020, a considéré qu’une AARPI était dotée d’une personnalité « civile » lui permettant d’agir en justice.

La cour devait se prononcer dans un litige opposant l’ancien collaborateur salarié d’une AARPI, qui contestait une modification de son contrat de travail, à une AARPI. Ce collaborateur avait assigné l’AARPI en justice. Les associés de l’AARPI avaient fait valoir que l’AARPI n’ayant pas la personnalité morale, l’action dirigée contre elle était irrecevable.

La cour d’appel de Poitiers, tout en reconnaissant que l’AARPI n’a pas la personnalité morale, a admis la recevabilité de cette action en justice. Pour réaliser ce tour de passe-passe, la cour a considéré que, s’il résulte de la loi de 1971 précitée que l’AARPI ne dispose de la personnalité morale, il est toutefois possible de lui reconnaître une personnalité civile et qu’elle peut en conséquence être partie à un procès.

La cour fonde cette reconnaissance d’une personnalité civile sur plusieurs dispositions de la loi de 1971, dont l’article 7 prévoit que l’association d’avocats a la faculté « d’avoir un avocat pour salarié ou collaborateur » et dont l’article 8 dispose qu’elle « peut postuler en justice par le ministère d’un avocat ». En outre, la cour relève qu’en l’espèce, l’AARPI avait établi les feuilles de paie du salarié plaignant en s’y désignant, seule, comme son employeur et qu’elle disposait d’un numéro propre d’immatriculation auprès de l’Urssaf.

La notion de « personnalité civile », distincte de la personnalité morale, a été forgée par la Cour de cassation qui considère que la personnalité civile appartient, en principe, à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites dignes d’être juridiquement reconnus et protégés, tels les comités de groupe3.

Force est toutefois de constater que la reconnaissance de la personnalité civile à une structure d’exercice prive de toute portée le principe de son absence de personnalité morale. En effet, la frontière entre les deux notions est extrêmement ténue.

On surveillera donc avec intérêt la postérité de cette jurisprudence novatrice, dont l’aboutissement serait la reconnaissance pure et simple de la personnalité morale des AARPI.

 


1 Cour d’appel de Poitiers, arrêt du 28 janvier 2020, n° 19/02107.
2 Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
3 Cour de cassation,2e chambre civile, arrêt du 28 janvier 1954.

 


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